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Sincères condoléances – Erling Jepsen

Les réunions de famille… Un pur bonheur diront certains. L’enfer sur terre pour d’autres. Quelle que soit votre opinion, les retrouvailles de la tribu danoise évoquée dans ce roman ne vous laisseront pas indifférent.

Tout commence par la mort du père. Un bien méchant homme, si l’on en croit les premières lignes. Il meurt seul ou presque, puisqu’il a depuis longtemps interdit à deux de ses enfants de venir lui rendre visite. Sa femme et le troisième rejeton, quant à eux, semblent presque soulagés par cette disparition.

Finalement, peu après les funérailles, Allan et Sanne, les enfants bannis, retournent dans leur Jütland natal pour régler les comptes et l’héritage. La réunion de famille peut enfin commencer.

« Il fallait juste que le père meure avant. »

Au fil des dialogues et des réflexions d’Allan, se brosse un portrait édifiant de la famille. L’auteur suit les personnages comme s’il était muni d’une caméra, décrit chacun de ces gestes que l’on fait sans y penser, lorsqu’on est perplexe ou préoccupé.

« Tous les trois restèrent un moment le regard baissé, comme s’ils cherchaient quelque chose dans l’herbe. »

Ni fioritures, ni euphémismes. La vie d’une famille, étalée, décrite avec ses turpitudes et ses incohérences. Il en résulte un récit caustique, souvent burlesque.

« Toutes les familles ont leurs petites histoires, dit Charlotte.

– Oui, mais pas autant que la nôtre, je peux te l’assurer, dit Margrethe. »

Les objets eux-mêmes semblent cristalliser les émotions et les non–dits. La salle de bains au chauffage par le sol, symbole des rêves avortés. Le canapé du salon qui en a vu plus qu’il n’aurait dû. L’horloge de Bornholm qui sonne les heures sombres et abrite le fusil du père. Le mouchoir d’Hamburg derrière lequel la mère se cache chaque fois qu’elle se sent embarrassée. Et la fameuse casquette de laitier, chef de file de cette armée de témoins.

Ajoutez à ça une ambiance danoise qui ne nous est pas familière, vous obtenez un roman atypique et croustillant !

« Les Danois ne pleurent pas assez à mon avis. Et quand ils pleurent, c’est toujours trop tard. »

Allan finit par mener une enquête acharnée. Il n’a pas assisté à la mort de son père et a besoin de comprendre. Retour sur le passé. Interrogations. Recherche des responsabilités.

« Je sens qu’il s’est passé quelque chose d’épouvantable (…) Et je veux savoir qui est coupable. »

Est-il possible que personne ne soit au-dessus de tout soupçon ?

Difficulté de lecture : **

Ce livre est pour vous si :

  • Vous aimez les personnages hauts en couleur. Croyez-moi, ce roman en comporte quelques-uns, bien gratinés. La mère est loin d’être la dernière. Le lecteur la découvre, page après page, et son sang se glace…
  • Vous aimez l’humour qui n’en a pas l’air
  • Vous aimez les histoires de famille compliquées

Le petit plus : la lecture de ce roman m’a poussée à regarder une nouvelle fois la carte du monde, et réaliser que Copenhague, la capitale, se trouve sur une île. Et le Jütland, lieu d’enfance d’Allan, est ce prolongement du continent qui se perd dans la mer du Nord (le Danemark est composé de ladite péninsule et de 443 îles. Viennent s’ajouter le Groenland et les îles Féroé pour former le Royaume du même nom). La contrée semble rustique. Les habitants ont leur propre patois, ils mangent des pets-de-nonne et des biscuits au saindoux. Tout un programme.

Deuxième petit plus : j’en ai déjà parlé, les éditions Sabine Wespieser privilégient le papier de qualité et le format carré. Les livres sont agréables à manipuler, les couvertures sobres et les titres originaux. Une bonne idée de cadeau pour tout amateur de lecture. Merci à Céline qui me les a recommandées.

***

Paru aux éditions Sabine Wespieser, 2011

pour la traduction française

ISBN : 978-2-84805-094-2

329 pages

Traduit du danois par Caroline Berg

Titre original : Med venlig deltagelse

Littérature danoise

La femme qui fuit – Anaïs Barbeau-Lavalette

Me voilà replongée dans la littérature québécoise, à la découverte d’une femme complexe que l’on s’efforce de comprendre au fil des pages, sans jamais y parvenir tout à fait.

Suzanne Meloche est une artiste, peintre et poète, contestataire. Née en 1926, elle veut demeurer libre dans un siècle qui ne le lui permet pas. Sa propre mère a renoncé au piano pour une vie terne qu’elle a passée à élever ses enfants, sans plaisirs et sans un sou. Suzanne fuit ce schéma familial, la misère et la triste condition des femmes de l’époque.

« Tu sais maintenant que tu as un ailleurs. Ce que tu ne sais pas, c’est que tu en auras toujours un, et jamais le même. Ce sera ta tragédie. »

Elle file à travers le vingtième siècle, rompant tout lien naissant, se coupant systématiquement de ses racines. Elle s’échappe, loin de sa famille, loin des hommes qu’elle aime pourtant sans retenue, et finalement loin de ses enfants. Elle abandonne ses bébés, sa fille Mousse et son fils François. Deux herbes sauvages qui pousseront loin d’elle, sacrifiées parce qu’il faut rester libre.

Comment être à la fois mère et artiste sans contraintes ?

Comment pardonner un tel geste ?

L’auteure, Anaïs Barbeau Lavalette est la fille de Mousse (Manon Barbeau de son nom officiel), et Suzanne Meloche est sa grand-mère. Enfant, elle déteste cette aïeule qui ne lui a transmis que le vide et l’absence. Devenue adulte, elle fait pourtant appel à une détective pour l’aider à reconstituer et écrire cette vie atypique.

« Parce que je suis en partie constituée de ton départ. Ton absence fait partie de moi, elle m’a aussi fabriquée. Tu es celle à qui je dois cette eau trouble qui abreuve mes racines, multiples et profondes. »

Elle nous livre ce récit dans un roman entièrement rédigé à la deuxième personne, comme si elle interpellait sa grand-mère, comme si elle la convoquait pour une explication tardive. Les phrases et les chapitres sont courts, le style incisif.

Les descendantes de Suzanne sont finalement devenues artistes. Elles aussi ont « ce besoin d’être libre, comme une nécessité extrême ». Mais Anaïs précise : « Je suis libre ensemble, moi. » La famille est enfin soudée, la fuite s’est arrêtée. Et dans la toute dernière page, l’auteure remercie ceux qui lui ont « permis d’écrire et d’avoir des enfants en même temps. »

A la décharge de Suzanne, il faut bien admettre que l’époque a changé, même si de nombreuses difficultés persistent. Le roman offre un aperçu efficace du vingtième siècle, de ses heurts et ses évolutions en Amérique du Nord. Crise de 29, conflit mondial, lutte pour les droits des femmes, des amérindiens et des noirs, guerre du Vietnam. Autant de déflagrations dont le souffle emporte Suzanne. Inconvénient d’être sans attaches.

« Tu te dis que la vie est sale, et que c’est comme ça que tu l’aimes. »

Le livre est aussi l’occasion de découvrir les Automatistes, groupe d’artistes et d’intellectuels québécois des années 40 et 50. Leur chef de file Borduas rédige le manifeste du Refus Global, déclaration révolutionnaire remettant en cause la mainmise religieuse et les valeurs québécoises de l’époque.

Deux articles intéressants à lire sur le sujet et le rôle que Suzanne y a joué (ne cliquez qu’après avoir lu le livre !) :

http://www.le-surrealisme.com/automatistes.html

http://www.ledevoir.com/culture/actualites-culturelles/449781/les-petits-enfants-de-refus-global

J’ai découvert le roman lors du dernier salon du livre de Paris auquel assistait Anaïs Barbeau-Lavalette. En lui parlant ce jour-là, j’ignorais encore tout de son histoire. Je comprends maintenant le sens de sa dédicace : « à Laetitia, et, par ricochets, à L. et R. (mes enfants) Et à la suite du monde… »

Difficulté de lecture : ***

Ce livre est pour vous si :

  • Vous êtes touché par les histoires de famille, les liens mère-fille, la maternité
  • Vous vous sentez l’âme rebelle
  • Vous êtes curieux de l’histoire du Québec. Si, comme moi, vous n’y connaissez rien, soyez prêt à consulter Internet de temps en temps. Vous en apprendrez beaucoup sur ce territoire francophone emblématique

Le petit plus : la description d’un épisode incroyable de la lutte pour les droits des noirs aux Etats-Unis. Comme si vous-même étiez dans ce bus. Je ne vous en dis pas plus.

Anecdote : Suzanne et ses amis artistes fument des cigarettes du Maurier, très populaires au Canada. La marque fut fondée à l’origine par le père de Daphné du Maurier. Qui est cette Daphné ? Retrouvez là ici !

***

Paru aux éditions Marchand de feuilles, 2015

ISBN : 978-2-923896-50-2

378 pages

Prix des libraires du Québec

Prix France-Québec

Grand prix du livre de Montreal

Littérature québécoise

La mémoire des embruns – Karen Viggers

Si vous êtes dans la vieille Europe, ce livre vous emmènera de l’autre côté du globe. Littéralement. Il vous enverra à l’extrême sud de l’Australie, et même au sud de la Tasmanie et sur l’île Bruny qui lui est accolée. Quel voyage !

Regardez la carte : la Tasmanie est ce morceau de territoire, au bas du continent australien, à la jonction des océans Indien et Pacifique. L’île Bruny quant à elle, est une terre sauvage, balayée par la pluie et les vents, dont la faune et la flore uniques sont protégées.

C’est là que se déroulent les histoires d’amours enchevêtrées dans le roman.

Contre l’avis de sa famille, Mary se retire sur l’île Bruny pour y passer ses derniers jours. Elle y a déjà vécu, des années auparavant, y a élevé ses enfants auprès d’un mari gardien de phare. Son retour en ces lieux à l’écart du monde sera l’occasion de donner libre cours à ses souvenirs, de revivre les moments forts, de repenser à toutes les décisions prises et les erreurs commises autrefois.

On suit parallèlement le parcours de Tom, son fils cadet, qui ne parvient pas à surmonter l’échec de son mariage. Car l’amour est bien le thème central du roman. Comment bâtir une vie à deux ? Comment faire face aux difficultés et concilier les aspirations de chacun ? Comment vivre avec des rêves oubliés ?

« C’était tout cela, un mariage. La ténacité. La capacité à faire face aux choses de la vie. L’accumulation de souvenirs communs. »

Le livre pose chacune de ces questions à travers l’histoire d’une famille atypique. Le tout pimenté par cette lettre mystérieuse que reçoit Mary dans les toutes premières pages, qui l’effraie tant et qu’elle ne peut se résoudre à ouvrir…

« La mémoire des embruns » est aussi un roman d’atmosphère. N’oubliez pas vos bottes et votre ciré. Vous vous retrouverez dans ce phare battu par les vents, sur ces plages imbibées d’écume, sur ces falaises australes détrempées de pluie.

« Le vent glacial. La légère odeur d’algues. Le sel imprégnant l’air. Elle se ressourçait. Ce lieu, c’était la vie même. »

Vous partirez aussi à la découverte du continent Antarctique, la Tasmanie étant une rampe de lancement pour les expéditions vers ce désert de glace. Tom y est resté des mois, au sein d’une mission scientifique, et sa vie s’en est trouvée bouleversée. Car cette terre blanche isole de la civilisation et hypnotise. Comme un lieu sans retour.

« Seuls ceux qui y sont allés comprennent. »

Pour résumer, un hymne à la nature, beaucoup d’émotions, des ambiances inhabituelles et une pointe de suspense. Un joli séjour dans les terres du Sud.

Difficulté de lecture : **

Ce livre est pour vous si :

  • Vous aimez les romans d’atmosphère et de psychologie
  • Vous voulez prendre un bon bol d’air
  • Vous êtes curieux de ces expéditions scientifiques à l’autre bout du monde

Le petit plus : fermez les yeux, laissez-vous pénétrer par les mots. Vous verrez les paysages magnifiques et entendrez le cris des oiseaux.

***

Paru aux éditions Les Escales, 2011

ISBN : 978-2-253-06621-7

571 pages

Traduit de l’anglais (australien) par Isabelle Chapman

Titre original : The lightkeeper’s wife

Littérature australienne

Rien ne s’oppose à la nuit – Delphine de Vigan

Voici une histoire de famille, une autobiographie particulière, l’exercice d’écriture le plus difficile selon l’auteur. Il s’agit ici de raconter sa propre mère. C’est ce qu’entreprend Delphine de Vigan en retraçant l’histoire de Lucile et de son étonnante famille.

L’auteur mène une véritable enquête parmi ses proches afin de retracer le parcours d’une mère si difficile à cerner. Elle cherche à comprendre et retrouver les racines du mal qui touche Lucile, diagnostiquée bipolaire et internée à plusieurs reprises.

Le récit est touchant sans être larmoyant. Delphine de Vigan nous livre une description remarquable de cette famille nombreuse, marquée par la mort et la complexité des liens qui en unissent les membres ou les séparent. Petit à petit les secrets s’effleurent, se dévoilent ou s’enfouissent, malmenant Lucile et ses enfants. Cette femme malade se bat, plonge, refait surface, sombre à nouveau.

Mais ce qui fait l’originalité du livre est sans doute le fait que l’auteur partage son cheminement d’écriture à mesure que progresse l’histoire. Cette dernière est entrecoupée de ses doutes et ses interrogations sur cette entreprise intime et les raisons pour lesquelles elle écrit.

Au-delà de l’aspect dramatique et unique du récit, ce questionnement ne peut qu’interpeller quiconque a un jour tenté d’écrire sur ses proches. C’est ce qui m’a personnellement touchée, et ce que je retiens de cette lecture, parmi les différents thèmes abordés.

Comment écrire sans trahir ceux qui ne sont plus là pour témoigner ?

« Je perçois chaque jour qui passe combien il m’est difficile d’écrire ma mère, de la cerner par les mots, combien sa voix me manque. Lucile nous a très peu parlé de son enfance. Elle ne racontait pas. »

Quelle forme choisir afin de rester fidèle à la réalité sans nuire à la fluidité du récit ?

« Incapable de m’affranchir tout à fait du réel, je produis une fiction involontaire, je cherche l’angle qui me permettra de m’approcher encore, plus près, je cherche un espace qui ne serait ni la vérité ni la fable, mais les deux à la fois. »

Comment se tenir à l’écart d’interprétations forcément subjectives ?

« […] toute tentative d’explication est vouée à l’échec. Ainsi devrai-je me contenter d’en écrire des bribes, des fragments, des hypothèses.

L’écriture ne peut rien. Tout au plus permet-elle de poser des questions et d’interroger la mémoire. »

Comment ne pas blesser ceux qui restent lorsque l’on aborde les épisodes douloureux ?

« Ecrire sur sa famille est sans aucun doute le moyen le plus sûr de se fâcher avec elle. »

Comment ne pas se perdre soi-même, à force de remuer une mémoire capricieuse et rétive ?

« Quoi que je dise et fanfaronne, il y a une douleur à se replonger dans ces souvenirs, à faire resurgir ce qui s’est dilué, effacé, ce qui a été recouvert. […] L’écriture met à nu, détruit une à une mes barrières de protection, défait en silence mon propre périmètre de sécurité. »

Autant de questions qui n’ont pas de réponses universelles. A chacun de s’en dépêtrer, le mieux possible. Le lecteur y trouvera ou non satisfaction. Delphine de Vigan se lance d’autant plus courageusement que son histoire est tourmentée. Avec, selon moi, beaucoup de réussite.

Difficulté de lecture : **

Ce livre est pour vous si :

  • Vous êtes passionné par les relations humaines dans ce qu’elles ont de plus beau et de plus terrible
  • Vous êtes intéressé par ce qu’on appelle la bipolarité, cette maladie si étrange pour qui ne la connaît pas
  • Vous pensez écrire ou faire écrire l’histoire de votre famille

Le petit plus : la couverture de l’édition citée. Il s’agit d’une photo de la captivante et magnifique Lucile.

***

Paru aux éditions JC Lattès, 2011 (1ère publication)

ISBN : 978-2-253-16426-5

402 pages

Grand prix des lectrices Elle 2013

Littérature française

 

Un Marin chilien – Agnès Mathieu-Daudé

Un Marin chilien – Agnès Mathieu-Daudé

Que diriez-vous de découvrir le Chili ? Ҫa vous tente ?
Dans ce cas, il vous faudra trouver un autre livre. Même si Un Marin chilien fait quelques flashbacks rapides dans ce pays, la totalité de l’intrigue se déroule en Islande. Pour tout dire, il y est d’ailleurs peu question de marins…

Une histoire et des personnages savoureux

Alberto est chilien, certes, mais il débarque en Islande pour étudier l’activité d’un volcan (non, il ne s’agit pas du plus célèbre) censé entrer prochainement en éruption. C’est en fait sa propre vie qui subira un séisme peu commun. Notre héros n’aura d’autre option que de s’interroger sur son parcours, remettre en question ses peurs et ses choix passés, affronter un sentiment de culpabilité qui ne cesse de le hanter.

Les Islandais forment un peuple rugueux, aux habitudes parfois étranges. Ne s’intègre pas qui veut. C’est ce que notre géologue va découvrir à ses dépens, en quelques jours cataclysmiques.

Pas un seul personnage dans ce roman qui soit fade ou sans intérêt ! Vous y croiserez une galerie d’individus authentiques et déconcertants. Prenez garde aux géants blonds des terres du nord, aux pulpeuses Walkyries et aux sorcières manipulatrices ! Il est si facile de se laisser envoûter (embobiner ? escroquer ?) en une seule nuit de naïf abandon.

Un style que l’on remarque

L’histoire est emprunte d’humour, de dialogues et de situations pittoresques. C’est sa grande force.

«- Je te dis que Thórunn a rencontré quelqu’un et tu me demandes comment elle va ? Tu te fous de moi ? Tu veux que je te réponde quoi ? Qu’elle va bien parce qu’elle se fait sauter ?

Óskar soupira un grand coup. Il allait falloir faire face.

  • C’est qui ? 
  • Un Chilien. »

L’auteur change régulièrement de point de vue ce qui alimente les malentendus et entretient le suspense. Comment ce malheureux géologue va-t-il donc se sortir des mauvais pas qu’il ne cesse d’accumuler sans même s’en rendre compte ?

Le style est travaillé sans en faire trop. Pas de clichés, mais des images parlantes et originales. Personnellement, je trouve certaines phrases particulièrement savoureuses :

« (…) la plupart ne faisaient qu’aller avachir leur désœuvrement un peu plus loin sur la jetée, assis jusqu’à l’heure de rentrer chez eux comme si l’océan allait venir déposer à leurs pieds un boulot ou Vénus dans une coquille. »

« Alberto le suivit en essayant de ne pas se prendre les pieds dans les chiens qui lui sautaient dessus, visiblement avides de manifester l’affection soudaine et injustifiée qui traversait leur corps poilu lorsqu’un inconnu venait à discuter avec leur maître. »

Un dépaysement

Un Marin chilien donne également l’occasion de découvrir l’Islande, son histoire, sa géographie, ses coutumes. A n’en pas douter, l’auteur s’est sérieusement documenté sur le pays. Saviez-vous qu’il y a plus de deux siècles un volcan islandais avait déjà plongé l’Europe dans le chaos, avec des conséquences bien plus dramatiques que de simples retards dans les transports ?

Saviez-vous que le requin du Groenland est dépourvu de canal urinaire et évacue ses déchets par transpiration ? Sa chair fraîche est toxique. Les Islandais en ont fait le Hákarl, spécialité culinaire locale et expérience gustative sans doute incomparable…

Au cours de la lecture, si votre tablette traîne à portée de main, n’hésitez pas à taper quelques mots clés islandais dans un moteur de recherche. L’idée de partir en randonnée à la découverte de l’île mystérieuse pourrait bien venir vous effleurer.

Ce livre est pour vous si :

  • Vous aimez l’humour subtil ;
  • Vous voulez découvrir l’Islande et son peuple curieux / attachant / inquiétant, dont la notoriété ne cesse d’augmenter depuis le dernier Euro de football !
  • Vous aimez les enchaînements de quiproquos et de situations insolites.

Difficulté de lecture : **

Quelques mots sur Agnès Mathieu-Daudé : après des études d’histoire, l’auteur est devenu conservateur du patrimoine. Pour notre plus grand plaisir, elle est aussi écrivain de talent, comme le prouve Un Marin chilien et les prix littéraires obtenus en 2016 :

  • Coup de cœur de la 25e Heure du Mans 2016
  • Prix littéraire des Grandes Écoles 2016
  • Prix Révélation de la Société des Gens de Lettre 2016

Envie de rester en Islande ? Je vous propose : https://www.unepiledelivres.com/a-la-grace-des-hommes-hannah-kent/

***
Un Marin chilien
Paru aux éditions Gallimard, 2016
ISBN : 978-2-07-011949-3
256 pages
Littérature française