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L’auteure de Miss Islande possède un nom un peu obscur pour qui n’est pas islandais. Sans doute ne vous dira-t-il rien. Mais si je vous parle du roman Rosa Candida, peut-être en aurez-vous déjà entendu parler. Il a reçu plusieurs prix et fait grand bruit lors de sa sortie en France, en 2010. Je ne l’ai pas lu. Je l’ai oublié dans une pile de livres. Quelle idiote ! Il faut que je répare cette erreur car Miss Islande m’a convaincue du talent d’Auður Ava Ólafsdóttir.

Atmosphère

J’ai eu quelques difficultés à comprendre pourquoi j’ai tant aimé Miss Islande. Les thèmes traités, j’en parle tout de suite, m’ont certes intéressée. Mais cela ne suffit pas à expliquer le plaisir avec lequel j’ai lu ce roman.

Il y a d’abord les paysages magnifiques de l’île glacée. Le roman parle de volcans, de campagne humide et des rues froides de Reykjavík. Ne croyez pourtant pas que le tout soit austère. L’auteure écrit sans dramatiser, ni même enjoliver. Nous sommes en Islande, c’est tout.

La même chose s’applique aux personnages. Nous suivons Hekla, une Islandaise qui, en 1963, quitte la ferme natale et se rend à la capitale pour vivre de son écriture. Elle a du talent mais à l’époque, une femme se marie, élève des enfants et prépare le smørrebrød, des boulettes de poisson ou du lompe faisandé.

Hekla et certains de ses amis se trouvent dans des situations difficiles mais tout est dit très simplement, au fil de la vie quotidienne. Des larmes décentes et un humour discret. Une mélancolie savamment distillée plutôt qu’une tristesse vulgaire. Ces personnages, le lecteur s’y attache comme on se lie à des amis fraîchement entrés dans notre vie. Il les quitte à regret lorsqu’arrive la dernière page.

Miss Islande est donc un roman d’atmosphère, sans action spectaculaire ni rebondissements excessifs. Sans ennui non plus. Les messages qu’il passe n’en sont que plus prononcés.

L'Islande de Auður Ava Ólafsdóttir

Les volcans d’Islande (crédit photo Adriankirby sur Pixabay)

Traditions et préjugés

Hekla est donc douée pour l’écriture.

« (…) j’ai envie de passer ma journée à lire quand je ne suis pas en train d’écrire. »

Mais ses aspirations se heurtent rapidement aux mœurs d’un pays patriarcal. La jeune femme n’est pas disposée à se marier ? Elle a un joli minois ? On la presse donc de participer à l’élection de Miss Islande. De toute façon quel autre choix pourrait-elle bien avoir ? Devenir reine de beauté, c’est plutôt flatteur, non ? Autre avantage, les vieux bonshommes de la capitale pourront ainsi la reluquer et la palper en toute impunité.

Les femmes islandaises des années 60 ne peuvent être qu’épouse ou poupée, muse pour les poètes si elles ont de la chance. Mais leur statut n’est pas le moins enviable. Les homosexuels n’ont pas leur place dans ce pays insulaire, isolé du monde et replié sur ses traditions. Ils y sont purement et simplement confondus avec les pires des pédophiles.

Les personnages de Miss Islande tentent pourtant de s’échapper à cette vie toute faite et pragmatique que l’on tente de leur imposer. Par leur créativité ils s’inventent d’autres existences, nourries par l’écriture, la littérature, la peinture ou le design.

Parviendront-ils à dépasser les préjugés et fuir leur morne condition ?

La fin est étonnante. Elle arrive tout en douceur, aussi naturellement que l’ensemble du texte. Toujours avec une pointe d’humour particulièrement savoureuse.

Difficulté de lecture : **

Miss Islande est pour vous si :

  • Vous aimez les romans engagés qui n’en ont pas l’air ;
  • Les inégalités vous révulsent ;
  • Vous aimez les récits poétiques.

Le petit plus : les joies couvertures graphiques des éditions Zulma.

Pour aller plus loin : qu’en est-il de l’Islande aujourd’hui ? L’île a fait beaucoup parler d’elle ces derniers temps par ses randonnées touristiques, ses polars, son équipe de football… et sa loi sur l’égalité salariale ! D’ailleurs, était-elle vraiment en retard dans les années 60 en ce qui concerne le statut des femmes ? N’oublions pas qu’en France, ces dernières n’ont eu la possibilité d’ouvrir seules un compte en banque qu’en 1965… Quoi qu’il en soit, l’histoire proposée dans ce roman se déroule il y a plus de 50 ans. Mais elle possède des sonorités bien actuelles.

Envie d’un autre roman à propos de l’Islande ? Je vous propose A la grâce des hommes (Hannah Kent) ou Un marin chilien (Agnès Mathieu-Daudé)

***

Miss Islande – Auður Ava Ólafsdóttir

Éditions Zulma 2019 (pour la traduction française)

ISBN : 978-2-84304-869-2

288 pages

Prix Médicis Étranger 2019

Littérature islandaise – Traduit de l’islandais par Éric Boury – Titre original : Ungfrù Ísland