Pour qui s’intéresse aux livres et à l’actualité littéraire, ce nom est forcément familier. Amélie Nothomb est un auteur prolifique, qui publie un roman par an, depuis vingt-cinq ans, à chaque rentrée littéraire.
Cela ravit ou agace. Certains adorent cette régularité de métronome et le style si particulier de la romancière (des livres très courts, aux sujets toujours originaux). D’autres s’énervent de ce systématisme et trouvent que les romans gagneraient à être plus longs ou « plus fouillés ». Quelques titres comportent des éléments autobiographiques qui ne semblent pas conformes à la stricte réalité, ce que les puristes ont tendance à ne pas pardonner.
C’est donc avec une immense curiosité que je me rends à cette rencontre avec Amélie Nothomb organisée en octobre dernier par le club de lecture France Loisirs. Je n’avais lu d’elle que « Stupeurs et tremblements » (que j’ai adoré et qui m’a beaucoup fait rire) et « le crime du conte Neuville » (que j’ai trouvé plaisant, sans plus). De l’auteur, je ne connaissais que ces deux titres, le look tout en noir, blanc et rouge à lèvres profond, et ce parfum de polémiques flottant autour de son nom.
Me voilà donc à Paris, par une après-midi un peu grise, à tourner autour du siège de France Loisirs. Leur magasin est fermé, réquisitionné pour les préparatifs de l’interview. Zut ! Je cherche une librairie pour acheter le dernier roman de l’auteur (« Riquet à la houppe ») : je ne veux pas arriver devant elle sans rien à faire signer. Je finis par trouver, échange quelques mots avec la libraire qui trouve les livres d’Amélie Nothomb « trop courts » (encore une !) puis arrive avec un peu d’avance sur les lieux de l’interview.
Coup de chance, je trouve une chaise libre au premier rang, à moins de deux mètres de celle de l’auteur. Une place de choix ! Amélie arrive bientôt, silhouette menue mais qui en impose malgré tout par le regard attentif qu’elle laisse planer sur l’assemblée. Elle cherche des lecteurs connus, veut faire connaissance avec les autres, demande les prénoms. Le premier contact est sympathique, tout en bienveillance et volonté d’échanger.
Rapidement l’interview commence. Quelques discours, l’auteur reçoit des fleurs (magnifiques !) et du champagne puis s’assied pour répondre aux questions de la journaliste chargée de mener la discussion. Je suis impressionnée par sa maîtrise de l’exercice. On la savait douée pour l’écrit, elle est magistrale à l’oral. Elle manie l’humour et l’auto dérision pour détendre l’atmosphère, puise, sans la moindre once de pédantisme, dans une culture littéraire qu’on devine immense. Je ne regrette pas le voyage. Dans la conversation, elle répond à plusieurs interrogations que j’avais à son sujet.
A propos de ses romans, elle admet que, contrairement à certaines apparences (le choix du conte comme forme littéraire de ses romans récents, son incapacité à utiliser les technologies modernes), ses histoires sont profondément ancrées dans le monde actuel. Elle parle de choses graves, tout en restant dans la légèreté. Elle aime notamment écrire pour et sur les personnes en décalage avec la société. Ses personnages sont toujours atypiques, à commencer par leur prénom : de Trémière à Déodat, l’auteur fouille le dictionnaire (qu’elle a entièrement lu dans son jeune âge) pour dénicher des prénoms riches de sens et trop peu utilisés à son goût.
Son objectif est d’exprimer les exclusions, notamment « les exclusions bêtes ». Selon elle, il suffit de bien peu pour être mis au ban d’une société particulièrement raide, qui rejette les accents inhabituels ou les vêtements bizarres. Si des choses aussi stupides peuvent vous exclure, « imaginez ce que peut faire de vous l’origine ethnique, la religion, j’en passe et des pires ! » Pour avoir vécu ce genre de situation (« j’ai été une Belge socialement inadaptée à cause de mon langage et de mon habillement pas comme les autres »), Amélie Nothomb souhaite donner la parole à tous ces rejetés.
L’auteur se dit avoir été enceinte de chacun de ses romans. Elle attend ainsi le 87ème. Si elle n’en publie qu’un seul chaque mois de septembre, Amélie Nothomb écrit quatre livres par an. Elle en choisit un qu’elle consacre au public, celui qui suscitera le plus d’intérêt, et conserve les autres dans des boîtes à chaussures à l’abri des regards intéressés de son éditeur. Selon elle, ces manuscrits secrets sont plus souvent des réflexions écrites pour elle-même que des histoires destinées aux lecteurs.
Elle parle aussi de son rapport à l’écriture, qui évolue au fil des ans. L’auteur est très influencé par le style épuré de l’Asie, et l’art d’exprimer beaucoup en un seul trait. Il est important de ne pas tout dire, car « quand on dit tout, on ne dit rien »… C’est la raison pour laquelle ses romans sont chaque année un peu plus courts. Si elle était certaine de pouvoir ainsi tout retranscrire, elle ne nous livrerait que des haïkus ! A ceux qui jugent ses romans trop minces, elle répond : « ça va empirer ! »
Retranscrire « les sons » qu’elle entend est tout l’enjeu de son écriture : « j’espère que ce que j’écris ressemble à ce que j’ai dans la tête. » Elle dit avoir tous les jours l’angoisse de la page blanche, le problème n’étant pas de trouver l’idée mais de savoir comment l’exprimer.
Elle répond ouvertement aux médias qui cherchent à dénoncer le fait que ses autobiographies ne sont pas toujours conformes à la réalité. « Dans les livres, j’écris une expérience humaine qui a fait de moi la personne que je suis aujourd’hui ». L’important est là, pas dans les dates ou les lieux. Le romancier peut écrire ce qu’il veut tant qu’il l’écrit lui-même. C’est en cela qu’on sait qu’un livre est authentique.
Amélie Nothomb évoque enfin la littérature en général et son appétit boulimique des livres. Elle écrit quatre heures chaque jour, puis, lorsqu’elle n’a pas d’autres engagements, consacre ses après-midis à la lecture. France Loisirs lui offre la possibilité de « de sauver un livre » tous les trois mois en le mettant à l’honneur. C’est « un pouvoir extraordinaire » auquel elle tient beaucoup. Elle aime repêcher les auteurs inconnus ou les livres tombés dans l’oubli. Au fil de l’interview, elle cite certains de ses coups de cœur littéraires : « les mains du miracle » (Joseph Kessel), « comment Baptiste est mort » (Alain Blutière), « La Princesse de Clèves » (Mme de Lafayette). Elle conseille à ceux qui ne lisent pas de trouver l’auteur qui saura les sensibiliser : « il y a forcément un ou plusieurs auteurs qui sont faits pour vous ! »
Encore quelques plaisanteries au sujet de sa voilette qui ne tient pas et finit par tomber, et voilà l’interview terminée. Une petite heure passée bien vite. La journée se poursuit par l’incontournable séance de dédicaces. France Loisirs nous offre un exemplaire de « Riquet à la houppe », qui rejoint celui que j’ai acheté plus tôt dans la librairie voisine ! La file d’attente se forme et chaque lecteur a l’occasion de parler quelques minutes avec l’auteur et lui poser sa question subsidiaire. Bulles, petits-fours et ambiance conviviale. Le bilan est très positif : j’ai rencontré une belle personne, qui exprime parfaitement les intentions posées dans ses livres. Amélie Nothomb est un auteur attentif et proche de ses lecteurs (elle répond d’ailleurs elle-même aux nombreux courriers qu’elle reçoit). Et à voir le visage des fans présents lors de cette journée, la reconnaissance et l’admiration qu’ils montrent compensent largement les critiques régulièrement parues sur la romancière !
Pour terminer cet article, voici une liste des 25 romans publiés, que je me suis promis de lire avant la fin de 2017 (l’avantage du format court !) Histoire d’avoir une meilleure vue de l’œuvre et pouvoir m’en faire une réelle opinion. Qui relève le défi ? En avez-vous lu certains ? N’hésitez pas à partager dans les commentaires !
Si vous souhaitez en savoir plus sur Amélie Nothomb, allez voir son site officiel. C’est par ici : http://www.amelie-nothomb.com/
Voici la biographie qui, totalement véridique ou non (qu’importe, n’est-ce pas ?), y est reprise :
Fille de diplomate belge, Amélie Nothomb est née le 13 août 1967 à Kobé, au Japon. Elle publie en 1992 son premier roman Hygiène de l’assassin, unanimement salué par la critique et le public. En vingt ans de carrière, Amélie Nothomb a notamment été récompensée par le Grand Prix du Roman de l’Académie française 1999, le Grand Prix Jean Giono pour l’ensemble de son œuvre et le Prix de Flore 2007.
Je relève le défi !
Déjà bien commencé d’ailleurs, puisque j’en ai lu 6 ou 7. Assez inégaux, mais toujours très originaux. Si j’ai un conseil à donner : les lire jusqu’à la fin ! Il y a souvent un rebondissement qui donne une bonne partie de sa valeur au livre ( par exemple Barbe Bleue, Acide Sulfurique ) !
Bonne lecture !
Argh ! J’ai déjà du retard ! Barbe Bleue, c’est fait (une belle version moderne du conte), cosmétique de l’ennemi (grinçant !), biographie de la faim (étrange…) J’en suis donc à cinq… 🙂
j’ai dû lire un ou deux livres d’Amélie Nothomb, mais je ne m’en souviens même pas; je vais retenter l’expérience et je reviendrai en parler; bon courage pour la pile de livre à livres;
Merci Annette !