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A force d’évoquer les excès des réseaux sociaux, on en oublie parfois toute la magie ! J’ai rencontré Annette via LinkedIn. L’enthousiasme et la bienveillance qu’elle mettait dans ses commentaires m’ont convaincue d’acheter son livre « retourne de là où tu viens ». S’en est suivi un échange régulier d’e-mails et de conseils de lecture.

Lorsque vous la rencontrez, Annette vous fait l’effet d’un rayon de soleil. Son sourire et son dynamisme illuminent l’atmosphère. Il ne s’agit pas d’une quelconque flatterie intéressée ; c’est réellement le sentiment que j’ai eu.

Née à Tunis, elle est fille d’un père tailleur et d’une mère couturière. Après avoir brillamment réussi l’examen d’entrée et obtenu une bourse, elle intègre le lycée français (Lycée de jeunes filles Armand Fallières), fait plutôt remarquable compte tenu de ses origines modestes. En 1961, à la suite des évènements de Bizerte, la famille s’installe à Paris, où Annette se voit forcée de renoncer aux études. Il lui faut travailler. Elle se retrouve dans un pool de dactylos au sous-sol du « Bon Marché ». Transition difficile pour une enfant du soleil. Mais elle se bat, prend des cours de sténo par correspondance et des cours du soir d’anglais, pour bâtir sa carrière de femme d’affaires en région parisienne. A la retraite, elle s’installe dans le Sud de la France. Elle a toujours lu mais ne pensait jamais « franchir la ligne séparant les lecteurs des écrivains ». C’est pourtant ce qui arrive lorsqu’elle intègre un atelier d’écriture puis publie ses premiers romans.

Pour « Une Pile de Livres », Annette a accepté de répondre à quelques questions sur cette double expérience de lectrice et d’écrivain.

Vous avez décrit votre parcours dans « retourne de là où tu viens », pouvez-vous nous en dire plus ?

En effet, tout ce qui figure dans le livre est vrai, au mot près. Victime de harcèlements anonymes lors d’un concours littéraire, j’ai voulu partager cette expérience connaissant les dérives d’Internet, surtout auprès des collégiens. En première partie, je raconte « d’où je viens » (le titre du roman est issu d’un des mails d’insultes reçus). Et en seconde partie, sur un ton humoristique pour dédramatiser, j’emmène le lecteur pour essayer de savoir « qui et pourquoi » ? Seuls les prénoms ont été changés sur les conseils d’Annie Bruel, grande romancière du PACA, qui m’a fait l’honneur de préfacer mon livre. Mon prénom sera Francette (ce n’est pas innocent, on le découvre dans le déroulement de l’histoire). Ce roman autobiographique est ma plus grande fierté, car il est entré à l’étude au Collège de Ste Maxime Bertie Albrecht, pour la deuxième année consécutive, dans une classe de 3ème. En fin d’année une rencontre pédagogique est organisée avec les collégiens.

Couverture_Retourne de là où tu viens

Les livres ont toujours tenu un grand rôle dans votre vie, n’est-ce pas ? Que lisez-vous ?

J’ai su lire dès l’âge de quatre ans. A l’époque, nous avions une voisine directrice d’école. Elle m’a appris à lire en même temps qu’à son fils.

À 6/7 ans je dévorais « Nous Deux » et « Bonne Soirée », de belles histoires d’amour qui déjà me faisaient rêver !

Je suis très éclectique dans mes lectures. Je lis tout ce qui me tombe sous la main ! J’aime beaucoup la philosophie, notamment l’auteur Irvin Yalom, qui met cette discipline à la portée de tous. Je lis aussi des essais. J’y trouve toujours mon plaisir pour apprendre, toujours apprendre. Une exception peut-être : je ne lis pas de livres sur la politique pour ne pas me laisser influencer. Je préfère la suivre en direct.

Y a-t-il un livre qui vous ait particulièrement marquée ?

Question difficile mais j’en choisirais deux parmi toutes mes lectures.

« Tu n’es pas une mère comme les autres », d’Angelika Schrobsdorff. L’auteur raconte l’histoire de sa mère libre et anticonformiste, qu’elle aime avec dévotion malgré leurs rapports compliqués… J’apprécie tout dans ce livre, le style, l’histoire, l’époque entre deux-guerres et le grain de folie de cette mère. C’est un choix très personnel.

Le second est « Des fleurs pour Algernon », de Daniel Keyes. La science se servira d’une expérience complètement fictionnelle sur une souris et un jeune idiot, pour avancer. J’aime ça !

Si vous étiez le personnage d’un roman, qui seriez-vous ?

Je n’y ai jamais réfléchi ! Je dirais… un auteur ou un peintre ! Plutôt un peintre !

Quel est votre tout premier souvenir d’écriture ? Qu’est-ce qui vous a poussée à intégrer cet atelier ?

Ecrire ne m’avait jamais effleuré l’esprit avant la retraite. C’est arrivé par hasard, mais comme on dit, il n’y a pas de hasard, il y a des rencontres !

Un jour, j’ai croisé en ville une dame qui demeurait non loin de chez moi. Elle était accompagnée d’un écrivain poète. Ils se rendaient à l’atelier d’écriture. Ils m’ont invitée à y participer à la rentrée, sauf qu’il me fallait attendre la rentrée des « débutants » deux mois plus tard. Pas question, moi c’est tout de suite et après quelques insistances, j’ai démarré avec « les grands ». On m’a distribué une feuille (puisque j’étais là…) Mes premiers essais ont convaincu le groupe. « Vous avez une plume d’auteur », m’a dit tout de go l’animateur, en lisant au-dessus de mon épaule (il le répétait trop souvent d’où la jalousie et le harcèlement subi). Il a toutefois mis une condition : je pouvais intégrer cet atelier sous réserve de participer également à celui réservé aux débutants. Pour moi c’était la cerise sur le gâteau, toujours mon envie d’apprendre. C’est ainsi que j’ai découvert ce lieu magique où l’on pouvait s’exprimer sans retenue.

Mon tout premier texte est intitulé « Sonate en ré mineur ». Il neigeait ce jour-là et il fallait raconter notre ressenti à la vue de la neige. Moi qui venais des pays chauds, ça ne me parlait pas du tout ! « Eh bien écris-le ! », m’a encouragée l’animateur. Ce texte a été choisi pour apparaître dans les Cahiers de la Médiathèque N°3, publication d’un recueil à plusieurs mains de l’atelier des « anciens », offert par notre Député Maire. Un deuxième texte a également été sélectionné. De ça aussi je suis très fière !

Avez-vous des routines d’écriture ?

Dans ma tête, j’écris vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! Quand je me réveille la nuit, je pense à ce que je devrais écrire. J’ai toujours un bloc quelque part. J’y écris un mot, pour me souvenir de l’idée le lendemain.

Quand j’entre en écriture, je démarre sur une idée, une citation, une image parfois. Je ne sais pas ce que je vais raconter, ni dans quelle direction je vais, mais dès les premières lignes, j’essaie toujours de trouver un titre. Ce sera mon fil conducteur. Ça me stimule, même si, au final, j’en choisis parfois un autre.

Deuxième réflexe, j’ouvre toujours deux pages. L’une sur laquelle je démarre mon histoire avec son titre, une autre intitulée « pensées annexes pour… ». Ce sont en quelque sorte des pense-bêtes que je note au hasard et qu’à un moment ou un autre j’intègre au fil du récit. C’est ma bibliothèque de pensées.

J’agis de la même manière lorsqu’une phrase ou un passage dans un livre me séduit particulièrement. Je note sur un carnet ce qui m’a touchée. Non pas pour plagier l’ouvrage, simplement revivre cette émotion qui pourra déclencher ma plume. Je suis d’ailleurs abonnée à un site qui envoie une citation par jour. C’est inspirant.

Avez-vous parfois l’angoisse de la page blanche ? Comment la combattez-vous ?

L’angoisse de la page blanche ? Je ne connais pas ! J’ai tellement de choses à dire, à raconter ! Peut-être que ça m’arrivera un jour, on ne sait pas ce que la vie nous réserve. Mais pas pour l’instant.

Il m’arrive de ne pas avoir envie d’écrire. Alors je me lance dans une poésie (ce que je faisais en sixième, trop précoce, je m’ennuyais en cours). J’adore écrire quelques vers, y mettre le ressenti du moment, ça m’aide beaucoup. D’ailleurs, je publierai un jour un recueil de poésies. Le lectorat des recueils de poésie est assez restreint, mais peu importe !

Je navigue entre mes vers, mes textes, mon livre en cours. Il vaut mieux avoir plusieurs plats au chaud, cela permet des pauses bénéfiques!

Vous offrez volontiers votre aide aux écrivains débutants. Que diriez-vous à quelqu’un qui a l’envie d’écrire mais qui n‘ose pas ?

Ma réponse est dans votre question : il faut oser ! Je le dis et l’écris tout le temps ; il faut se mettre en danger et être sincère ! Les lecteurs ne s’y trompent pas. Tricher n’est pas écrire ! Si on n’ose pas, ce n’est pas la peine. On a tous des rêves, les faire vivre par personnages interposés ne peut qu’apporter du bonheur ! Néanmoins, pas facile l’exercice…

D’ailleurs, tous les auteurs mettent un peu d’eux dans leurs écrits. Je me suis même rendu compte que dans un de mes romans pour la jeunesse, j’avais inconsciemment raconté mon enfance transposée dans un autre lieu, une autre époque. Mais la trame est bien réelle. Instinctivement, tout ce que l’on a emmagasiné ressort, sous une forme ou une autre. Il faut de l’imagination pour installer les personnages, inventer tout autour des situations nouvelles, sans que l’on se rende compte que l’auteur parle de lui.

Que souhaitez-vous transmettre par l’écriture ?

Je ne fais pas la morale, ce n’est pas mon rôle. Mais je veux transmettre les valeurs telles que courage, honnêteté, fierté. Partager les grandes valeurs de la vie, surtout dans mes romans jeunesse !

Je veux aussi transmettre l’envie de lire, d’écrire ou de peindre. Une petite fille qui n’aimait pas la lecture a dévoré l’un de mes livres lorsqu’elle a su qu’elle pouvait le colorier. J’ai à dessein mis des pages (mes peintures) en couleur et mes dessins en N/B, encourageant les enfants à ajouter leurs couleurs aux miennes. Et ça marche !

Et transmettre la passion. Je suis une passionnée. Donner de l’espoir, rien n’est jamais perdu ! Je ris, même quand ça va mal. C’est ça la vie !

Avez-vous des projets d’écriture en cours ?

En fin d’année dernière, j’avais un livre en cours lorsque j’ai eu un accident grave. Je suis une miraculée. Moi qui n’avais jamais mis les pieds dans un hôpital, j’ai rattrapé mon retard en quelques semaines ! J’ai donc mis de côté ce livre en cours pour témoigner de mon accident et des dysfonctionnements à l’hôpital qui auraient pu avoir des conséquences fâcheuses. Je veux témoigner, non par esprit de vengeance, mais pour aider les gens, les mettre en garde de ne rien subir mais de réagir à temps.

Vous parler fait remonter les souvenirs. Je pense à Simon, un petit garçon de mon quartier qui ne savait ni lire ni compter. Il était dyslexique, problème totalement ignoré à l’époque. A neuf ans, je réunissais quelques enfants de mon quartier, de parents analphabètes, et leur faisais la classe. Dont Simon. Bien plus tard, j’ai eu de ses nouvelles, et j’ai appris qu’il était chef d’entreprise et très heureux. Le bonheur des autres, c’est aussi notre bonheur !

Les trois mots-clés qui, selon moi, définissent au mieux la personnalité d’Annette : joie de vivre, disponible, déterminée !

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Son site : http://www.a5editions.fr/

Son blog : http://ninanet.vip-blog.com/

Sa bibliographie :

« retourne de là où tu viens » (témoignage, polar humoristique)

« Un soir d’été en Sardaigne » (saga romanesque)

Trilogie provençale, romans jeunesse : « Gustave » – « Lettre à pépé Charles » « Charles et Aurélien »

« La clé de l’embrouille » (policier, suspense psychologique)

« Gracieuse et Panache sont amis » Tome 1 (roman jeunesse, premières lectures)

« Gracieuse et Panache à la fête de l’école » Tome 2 (parution mars)