Rencontre avec « Secrets d’Auteurs »
‘équipe Avez-vous déjà entendu parler des « box littéraires » ? Le principe est simple : vous vous abonnez et chaque mois, vous recevez un livre choisi par un libraire, un marque-pages ou un carnet. Je n’avais jamais sauté le pas car ma pile de livres à lire dépasse largement le toit de la maison et je n’ai aucun mal à choisir mes lectures.
Et puis j’ai découvert « Secrets d’Auteurs »… Cette box littéraire est différente car le livre du mois est accompagné d’un précieux livret. Nathalie Benveniste y partage le résultat de ses recherches à propos du roman : le contexte de l’histoire, quelques informations historiques, la biographie et le résumé d’échanges avec l’auteur (d’où le nom « Secrets d’Auteurs »), des photos, une playlist de musiques en rapport avec l’œuvre, et de jolies illustrations. Le tout accompagné de quelques surprises… Tous vos sens sont éveillés autour d’un livre.
J’ai donc été curieuse de savoir qui se cachait derrière « Secrets d’Auteurs », et Nathalie a bien voulu répondre à mes questions.
Note de l’auteur : l’équipe de « Secrets d’Auteurs » a décidé de cesser la diffusion de cette box littéraire mi-2022, après de longues années d’activités. Les propos de Nathalie n’en restent pas moins intéressants. Je vous laisse les découvrir dans ce qui suit.
Pouvez-vous vous présenter (ainsi que l’équipe) et nous décrire le principe de « Secrets d’Auteurs » ?
Nous sommes une toute petite équipe. La box a été créée par mon mari et moi, c’est le premier secret ! Rapidement nous avons collaboré avec une jeune femme très douée pour constituer les playlists. Elle travaille dans le domaine musical, c’est une spécialiste, elle est « bac+32 » en musique ! Elle lit le livre, nous propose des morceaux, puis nous échangeons pour définir la sélection adéquate.
Nous travaillons également avec un illustrateur. L’idée était de partir sur quelque chose d’original et de graphique pour réaliser la couverture des livrets. Nous laissons libre cours à son imagination pour en agrémenter le contenu, aux côtés des photos. Sur la box Stephen King, par exemple, il a dessiné un univers un peu étrange, des animaux de la forêt… C’est à chaque fois un travail d’illustration original.
Même chose pour le photographe ! C’est un professionnel extrêmement doué que je connais depuis longtemps. Lorsque nous sommes allés interroger Pierre Lemaitre, Paris était sous la neige, il a pris des photos très spontanées. Ce n’était pas une séance de pose ! Nous voulions que ce soit vivant.
Voilà pour l’équipe. Mon mari gère la partie artistique, les graphismes, la mise en page, l’iconographie, l’aspect créatif. Et moi je rédige le magazine. Je coordonne également le comité de lecture. C’est un groupe composé de personnes de tous âges et de tous horizons, issus ou non du monde du livre, et qui m’aident à définir les sélections.
Vous semblez bien connaître le monde du livre. Vous en êtes issue ?
J’ai été élevée dans le milieu du cinéma auquel appartenaient mes parents. Ma mère notamment était scénariste. On peut donc dire que j’ai rapidement été plongée dans l’écriture, le livre et l’adaptation de livres, les rencontres permanentes avec les auteurs. J’ai toujours beaucoup lu, par goût et par hérédité ! L’écriture est également quelque chose de très naturel pour moi. Je n’ai pourtant pas fait carrière dans l’édition. J’exerce d’autres métiers dans la communication, le marketing ou le coaching. Finalement ce sont aussi des activités où l’on écrit beaucoup, que ce soit au sens propre ou qu’il s’agisse d’aider les gens à écrire le prochain chapitre de leur vie ! D’ailleurs, le coaching me pousse à réfléchir à la psychologie des personnages de roman et aux interactions humaines. J’ai beaucoup travaillé sur les problématiques de vie.
De son côté, mon mari vient de la communication publicitaire. Il est habitué à jouer avec les mots, les images et les concepts !
Comment est née l’idée de cette box ?
C’est arrivé l’été dernier… Nous faisions le constat que depuis toujours, notre entourage nous demandait des conseils de lecture. Certaines personnes venaient vers nous car elles avaient été déçues par leurs achats ou étaient déconcertées par la quantité de romans à chaque sortie littéraire. Nous étions en quelque sorte devenus le bureau d’informations culturelles pour notre cercle d’amis ou de confrères. Nous conseillions aussi des expos ou des destinations de voyage. Notre façon de « sélectionner » plaisait. Et tout est parti de là.
Nous adorons lire et communiquer, alors autant transmettre et faire profiter les autres de nos découvertes et nos coups de cœur. Nous ne voulions pas lancer un blog car il en existait déjà beaucoup et nous souhaitions apporter un service à la fois culturel et pratique aux gens. Leur faire gagner du temps. Leur épargner la souffrance du « Zut ! Je n’ai plus rien à lire ! ». Nous nous sommes passionnés pour le concept de lecture enrichie : partir du livre, s’intéresser à l’auteur, faire des ponts avec certaines thématiques, amener des aspects visuels, auditifs ou autres, et rendre tout ça joli et prêt à être livré dans les boîtes aux lettres !
D’après les retours que nous avons récoltés, le concept a permis à certaines personnes de se remettre à la lecture : un livre par mois, c’est ni trop ni pas assez, l’idéal pour s’y remettre, lorsque l’on est très occupé, que l’on travaille, que l’on gère les enfants et que l’on court dans tous les sens ! Par ailleurs, nous avons également de très gros lecteurs qui sont heureux d’en savoir plus sur l’œuvre et ses thématiques, ainsi que sur l’auteur.
Comment choisissez-vous les livres ? Quelle est « votre philosophie » ?
L’idée est de proposer des livres de grande qualité mais toujours susceptible de toucher un large public. Nous voulons mettre en avant de la bonne littérature sans pour autant être élitiste ou inaccessible. Il peut s’agir d’une imagination magnifique, un style poétique, une écriture engagée et percutante, une ambiance intimiste, d’aventures incroyables et bien écrites, etc. Pas de vocabulaire trop basique, de redondances, de clichés ou de lourdeurs. Pas de complaisance nombriliste non plus ! On ne doit pas s’ennuyer ! Il faut que le lecteur soit porté, par l’histoire, la pensée, l’intelligence de la langue, la sensibilité de l’auteur ou la finesse dans les descriptions de la psychologie des personnages.
Tout l’enjeu est de trouver des livres à l’univers et au contexte « puissants ». Des romans susceptibles d’amener des découvertes culturelles suffisamment riches. Il m’arrive de lire des polars que j’apprécie, avec une intrigue bien pensée et des rebondissements mais qui ne comportent pas spécialement d’univers à enrichir ou développer. Si c’est le cas, je ne les retiens pas.
Les sélections sont variées et ne restent pas sans cesse dans le même style littéraire. Je m’attache à proposer des livres récents. Je regarde dans les sorties ce qui me marque, me frappe, m’étonne, ce qui m’éblouit par le style et l’imagination. Il faut bien sûr que ce soit humaniste sans rien de sectaire.
Enfin la box permet d’offrir une ouverture sur la littérature étrangère. Dans ce domaine, certains auteurs passent inaperçus car leurs romans restent moins longtemps sur les tables des libraires. Ils ne bénéficient pas d’une promotion aussi intense que les romans français.
Comment recueillez-vous les secrets de ces auteurs ? Avez-vous des contacts directs ?
Nous avons eu la chance d’interviewer Pierre Lemaitre en direct lors d’une séance de dédicace. Pour les auteurs étrangers, c’est bien sûr plus difficile. J’envoie alors mes demandes aux agents. Les Américains sont très ouverts et réactifs pour ce genre d’échanges. Je suis également en contact avec les éditeurs, notamment en France et leur pose des questions très ciblées. Et je complète ensuite avec les recherches documentaires.
Comment menez-vous ces recherches ?
C’est un énorme travail ! Il faut fouiller, réfléchir, synthétiser. Je retrace le parcours des auteurs, retrouve d’anciennes interviews et ne me contente pas des informations basiques que l’on trouve partout. Il faut aussi choisir les thématiques de façon judicieuse, pour intéresser le lecteur sans pour autant en dévoiler trop sur le contenu du livre. Notre magazine n’est pas voué à spoiler l’œuvre. Il peut être lu indifféremment avant ou après le roman correspondant.
Tout ce travail prend du temps et met la pression car nous n’avons aucune box prête à l’avance. Il faut en sortir deux par mois (la box « polars et thrillers » et la box « coups de cœur »)… C’est un pari un peu fou que nous avons fait !
Comment voyez-vous l’avenir de « Secrets d’Auteurs » ?
Notre problème, c’est que nous avons trop d’idées ! Nous réfléchissons à des évolutions, quelque chose pour les enfants, des évènements pour nos abonnés, etc. Ce n’est pas l’enthousiasme mais les moyens humains qui nous manquent pour l’instant.
Vous aimez lire, c’est sûr ! Que lisez-vous ? Y a-t-il un livre qui vous ait particulièrement marquée ?
Je lis beaucoup de livres sur la psychanalyse. C’est lié à mon métier de coach. Quand j’étais petite, chez mes parents, il y avait des milliers de livres, et je pouvais piocher dans la bibliothèque. J’ai été marquée très jeune par certaines lectures. J’ai lu Freud par exemple, même si, à l’époque, je n’ai pas tout compris.
Dans les émotions de jeunesse, il y a eu Huis-Clos, de Sartre, avec toute la philosophie qui y est rattachée. L’étranger de Camus également. J’ai été marquée par Marx, indépendamment de toute opinion politique. J’ai adoré Proust, Balzac dans l’adolescence. Et puis j’ai lu énormément d’autres choses, comme vous sans doute ! Autant d’auteurs étrangers que français.
Il y a quelques années, on m’a conseillé Le Quatuor d’Alexandrie, de Lawrence Durrell. J’ai trouvé ça sublime ! Je l’ai offert à de nombreuses personnes par la suite.
Pour en revenir à la psychologie, j’aime beaucoup ce que fait Boris Cyrulnik. Il est à la fois drôle et brillant. L’auteur italien Erri De Luca également. Tu, mio est un tout petit livre qui m’a vraiment touchée. J’ai aussi mes auteurs fétiches de polars, comme Jo Nesbo ou Fred Vargas que j’adore ! Et puis la poésie…
Bref, la liste est longue et je poursuis mon exploration !
Si vous étiez le personnage d’un roman, qui seriez-vous ?
Je serais Fantomette ! C’est une super-héroïne capable de changer le monde, le débarrasser de la bêtise, la méchanceté, l’ignorance… Ce qu’on lit étant jeune est toujours très fondateur !
Ecrivez-vous en dehors du magazine ?
J’écris depuis toujours, pour mon plaisir (des nouvelles, des romans commencés jamais terminés, beaucoup de poésie). Je n’ai jamais cherché à publier. Je suis trop occupée !
Quel est votre tout premier souvenir d’écriture ?
Ce sont des poèmes écrits à l’école primaire. J’ai été complimentée et ça m’a beaucoup encouragée. Ensuite il y a eu les fameuses rédactions ! Lorsque l’on écrit en étant jeune, on est totalement libre et affranchi des normes. On fait ce qu’on veut et c’est génial ! Aujourd’hui je coache de nombreux artistes et les pousse à retrouver cette liberté créative.
Avez-vous une routine d’écriture ?
Tout dépend de ce que j’écris. Pour les créations personnelles, j’ai toujours un carnet sur moi pour capter les phrases qui arrivent parfois dans la vie quotidienne, lors d’une expo ou d’une lecture. Il faut les noter avant qu’elles ne s’enfuient ! Sinon j’aime écrire tard le soir ou la nuit, dans le calme.
Pour ce qui est de « Secrets d’Auteurs », je sépare la recherche de l’écriture. Je rassemble les informations, les laisse décanter, et ensuite seulement j’écris, durant des plages de temps assez longues. Je laisse venir l’inspiration. Si rien ne vient, je n’insiste pas.
Pour moi il est important de ne pas écrire dans l’urgence, sinon on produit des choses qui ne sont pas de qualité. Pas de routine au sens premier du terme donc. Il faut rester dans le plaisir, écrire avec spontanéité, quand « ça » vient. C’est sans doute parce que l’écriture n’est pas mon métier premier ; je n’y vois aucune contrainte. Réécrire douze fois le même chapitre pour le peaufiner, quelle horreur ! Bien sûr, je relis mes pages quelques jours après. Si elles me plaisent, tant mieux. Sinon, je les jette ! C’est radical ! [Rires]
Que diriez-vous à une personne qui aimerait écrire mais qui n’ose pas ?
Là je vais répondre en coach ! Dans ce genre de cas, je travaille d’abord sur la cause : qu’est-ce qui fait que la personne n’ose pas ? En général ce sont des peurs (peur d’être jugé, de mal faire, de faire moins bien que x, etc.). Il faut remonter à la source du blocage. Une fois que les peurs sont comprises et levées, tout est réglé !
Que voulez-vous transmettre à travers l’écriture et la box « Secrets d’Auteurs » ?
Faire connaître et transmettre la littérature, c’est faire découvrir d’autres pays, cultures ou époques, c’est pousser la liberté de ton, de pensée, de choix.
La littérature aide à prendre conscience qu’il existe d’autres façons de vivre et d’aimer, d’autres façons d’être amis ou d’éduquer. On découvre beaucoup sur la générosité humaine. Parfois la littérature fait peur, mais elle donne aussi de l’espoir quant à la nature de l’homme. Et de nos jours, c’est précieux.
Il y a aussi le fait de transmettre un plaisir esthétique : jouer avec les mots et l’imagination, sans rester centré sur soi…
Je dirais que cette box est une proposition d’ouverture. L’idée est, en toute humilité, d’aider les humains à grandir en partageant des histoires inédites et de qualité.
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De mon côté, chaque mois je guette désormais l’arrivée de mon colis littéraire. Aucune déception jusqu’à présent ! Et vous, que pensez-vous de ce type de box ? Etes-vous séduit par le principe de « Secrets d’Auteurs » ? Avez-vous d’autres idées ou envies ? La section « commentaires » est à vous !
Merci, Laetitia ! Quelle belle découverte que ces « Secrets d’auteurs »… Je vais me dépêcher d’aller voir sur le site.
J’espère que ça te plaira !
Première commande envoyée, merci pour les infos!
Bravo Joelle ! J’espère que vous serez contente de vos colis ! N’hésitez pas à nous tenir au courant…